Le paradis perdu





     Le soleil s'est levé il y a une demi heure, on le devine magnifique derrière le coteau orné de vignes. La gelée blanche nappe l'herbe et atténue l'arrogance de la verdure en ce début de printemps. Un peu avant, j'avais ouvert les volets pour profiter au maximum de ce début de journée, répondant à l'appel de tous les oiseaux qui chantaient en sentant le jour se lever. Les huppes étaient revenues, les lapins flânaient dans le chemin à hauteur du portail toujours ouvert et envahi par les mauvaises herbes et les ronces.


C'est sans doute le plus beau moment de la journée, la maison dort, le chat est déjà venu râler pour qu'on remplisse sa gamelle. J'ai hésité à souffler sur les braises du poêle pour le relancer pour la journée qui promet d'être ensoleillée après les brumes matinales. Le brouillard est là, au loin et sur les hauteurs du village. Je me ressert un thé noir  en appréciant la vue de ma fenêtre, avec cette impression jubilatoire d'être au bon endroit au bon moment.


Ils sont venu de la pinède voisine, hésitant devant les volets ouvert. Puis, devant l'absence de mouvements, ils s'enhardissent vers la balançoire. Cela fait maintenant quatre ou cinq ans que nous les voyons chaque printemps toujours plus grands et plus élégants. Ils s'attardent sur les jeunes pousses de la haie bocagère, humant l'air régulièrement, les sens en alerte. Deux chevreuil, venus la première année avec leur mère, ont pris leurs habitudes dans notre jardin.
Sous réserve de se déplacer lentement et de ne pas cogner au carreau ou de vouloir sortir de la maison, ils vont jusqu'à écorcer les jeunes arbustes au pied du perron à moins de trois mètre de la fenêtre. Dans ce cas on retiendrait presque son souffle tellement c'est beau, tellement la grâce habite le moindre de leurs gestes.


A l'échelle de l'information permanente et du matraquage publicitaire, c'est un non événement, c'est rien. Mais quel rien. Alors on essaye de se le garder bien au chaud dans un coin de ses souvenirs pour les jours de mauvais temps, pour les soirs de fatigues, et puis on s'efforce de fixer l'instant par l'image, toujours trop loin, toujours si imparfaite en regard de ce moment extatique.


Commentaires

  1. Salut L'Ours,
    Prolifixe,
    Deux fois rien,
    Trois fois rien,
    Idées fixes ?

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  2. Les idées naissent,
    se chevauchent ou patientent,
    et arrivent parfois à terme en peloton,
    absence de volonté d'organisation?

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