La trousse à outils

     Il faisait beau, pas trop chaud, et même si le vent baladait beaucoup de poussière au raz du sol, j'étais pas tout mal au bord de cette route départementale peu fréquentée. Un peu avant, fringant et enthousiaste, j'avais perdu mon embrayage dans une courbe à droite que j'aurai rêvé prendre moins vite. Il avait fallu se servir des freins, sommet de la lâcheté s'il en est. Mais s'était passé.

Après une demi heure de route en passant les vitesses à la volée, j'avais trouvé cet endroit pour me poser un peu et tenter de remédier au problème. Sur la route déjà je faisais l'inventaire de ce que j'avais et de ce que je pouvais faire. Pas de câble d'embrayage de rechange, ça aurait été trop simple.
La trousse m'attendais tranquillement dans sa sacoche de cuir fixée à l'arrière de la selle. Une fois déroulée par terre, je mesurais l'étendue des possibles.

L'outillage, ça peut paraître trivial, mais ça a son importance. Quand on s'est déjà fait suer sous une pluie battante avec un écrou fatigué et une clé bon marché, on voit de quoi je parle. Même s'il les vendent quasiment au prix de l'or, rien ne remplacera une bonne clé au chrome vanadium, celle qui vous sort de l'impasse du resserrage du boulon bipolaire qui veut se faire la malle au beau milieu de la route. Faut pas grand chose en fait, mais choisi avec soins. Un peu comme pour les gens. Si tu te dis '' bof, ça va le faire quand même ''  t'as déjà basculé du côté obscur de la force.

Le truc, ça allait être de récupérer le bout de câble d'embrayage parti dans la gaine côté guidon quand l'olive avait choisi de jouer les filles de l'air après son divorce d'avec le câble. Usure ou mauvais montage, on ne saura jamais ce qui avait provoqué la rupture de ce couple qui avait tenu des milliers de kilomètres. Perso je m'en foutais un peu, je voulais juste continuer ma route sans hypothéquer l'avenir de mes disques d'embrayage. Je laisse aux décortiqueurs de cheveux en quatre le loisir de me faire une analyse du sujet. Ce que je sais, c'est que le câble cède.

J'étais là à jouer de la clé pour donner du mou au câble quand un monospace cross-overdisé fît son apparition sur l'aire de repos. Je ne l'avais pas entendu venir, tout à mon ouvrage que j'étais, à moins que ce ne soit un hybride. Il y a eu un mouvement rapide de portière et une femme et un enfant sont sortis précipitamment pour gérer une crise familiale des transports. Le môme avait failli attaquer gravement les fauteuils en cuir de ses sucs gastrique et de son petit déjeuner déjà en partie digéré.

Le conducteur est sorti, déjà équipé de son bermuda estival et de ses sandales tendances, s'interrogeant de l'opportunité de faire faire une pause à son deuxième mariage. Bon, ce n'était pas aussi bien qu'une aire d'autoroute mais ça ferait l'affaire. Ils sortirent le kit du vacancier en goguette du coffre de l'auto, laissant le petit dernier à ses reliquats de haut le coeur, haussant les épaules aux invectives que se lançaient les deux aînées adolescentes au sujet d'une sombre affaire de télé réalité et de choix capillaires. Monsieur inspectant gravement son véhicule en mâchant son casse croûte pendant que madame se demandait si son short n'était pas un peu short en jouant de la cuillère avec sa salade composée mais pas du tout inspirée.

Au final j'ai pas réussi à réparer. J'ai profité de la descente pour repartir en deuxième et je suis rentré chez moi. Le câble était trop court, j'étais pas assez bricoleur sans doute. Il allait falloir que je commande un câble neuf.





Commentaires

  1. Ah la pluie battante, l'écrou niqué et la clé en chrome-vana-daube !...

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